
Hyposialie et asialie
Conditions d’apparition
Une atteinte des glandes salivaires est fréquente après une chimiothérapie (surtout avec la doxorubicine), une irradiation de la sphère cervico-faciale ou les thérapies ciblées (anti-EGFR).
La xérostomie post-chimiothérapie est généralement réversible dans les 2 à 6 semaines après la cure mais peut perdurer.
En revanche l’atteinte des glandes salivaires post radiothérapie peut être irréversible et avoir des conséquences permanentes. C’est un effet tardif de la radiothérapie même s’il se manifeste rapidement (dès les premiers jours) car il est peu réversible et touche un tissu glandulaire à renouvellement lent.
A partir de 30 à 40 Gy l’hyposialie est irréversible et au-delà de 70 Gy nous assistons à une destruction extensive des acini.
Présentation clinique et physiopathologie
Dans le cas de l’altération des glandes salivaires dues à la radiothérapie nous assistons à une atrophie des acini, une nécrose intra-glandulaire une fibrose et une dégénérescence graisseuse.
Durant l’irradiation, on observe une réaction inflammatoire des glandes salivaires pouvant être traitée par l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens.
La salive devient alors épaisse, mousseuse, collante et impropre à assurer sa fonction de lubrification et de tampon face à l’acidité buccale.
En résulte alors une baisse de la sécrétion salivaire autrement dit une hyposialie voir une asialie s’il y a une absence totale de sécrétion salivaire. La sécrétion salivaire se mesure de deux façons : la salivation stimulée et non stimulée.
Il convient alors de distinguer l’hyposialie stimulée concernant les glandes parotides intervenant lors de l’alimentation et l’hyposialie non stimulée qui donnent une bouche sèche en permanence concernant plutôt les glandes sous maxillaires et accessoires.
Lorsque la salivation non stimulée passe en dessous de 0.2mL /min on parle de xérostomie sévère.
Le plus souvent, l’altération de la fonction salivaire progresse plusieurs semaines après l’arrêt de la radiothérapie. Après plusieurs mois on peut observer une régénération partielle des glandes salivaires mais leur fonction reste durablement altérée.
Sachant que la salive a un rôle dans la reminéralisation de l’émail après l’attaque acide et un rôle de tampon contre l’acidité buccale après l’alimentation ainsi qu’un rôle antibactérien (bactéricide et bactériostatique) grâce au lysozyme et à la lactoferrine, une diminution de celle-ci entraînera une plus grande susceptibilité à la carie. Des mesures de prévention du risque carieux devront être prises en ce sens par le chirurgien-dentiste : contrôles fréquents, éducation à l’hygiène bucco-dentaire rigoureuse, gouttières de fluoration…
Conduite à tenir pour le chirurgien-dentiste
Afin de pallier ce déficit salivaire plusieurs solutions s’offrent au chirurgien-dentiste et à son patient :
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Les moyens les plus fréquemment utilisés sont les suivants :
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Les cholinergiques comme la pilocarpine 5mg 4 fois par jour (teinture de jaborandi, salagen) mais ils ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie et risquent de provoquer des effets secondaires tels que des sueurs et une mauvaise tolérance digestive. Par ailleurs leur effet reste transitoire.
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Les cholérétiques comme l’anétholtrithione (surfalem S25 25mg 3 fois par jour)
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Les substituts salivaires (artisial, Aequasyal®, gel Bioxtra®, salive à base de carbométhyl cellulose)
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Les moyens diététiques : le citron, avoir bouteille d’eau en permanence sur soi, les chewing-gums sans sucre et des glaçons à laisser fondre dans la bouche.
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Plus rarement, en cas d’échec des méthodes précédentes nous pourront recourir à :
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les prothèses réservoirs à salive artificielle : C’est une prothèse maxillaire disposant d’une cavité munie de systèmes fonctionnels simples de remplissage, d’écoulement et de nettoyage endocavitaire. L’écoulement de liquide salivaire s’effectue instantanément au contact de la pointe de la langue, à chaque mouvement de déglutition et, ce, jusqu’à épuisement du réservoir. Cependant ce type de prothèse pose un problème d’encombrement buccal et un problème d’autonomie relativement courte (plus ou moins ¾ d’heure pour un volume utile de 8 à 10 ml). Cette prothèse est déconseillée au moment des repas du fait du risque d’obturation de l’orifice d’écoulement par des débris alimentaires. Le décubitus dorsal perturbe son fonctionnement (difficultés nocturnes). Ce type de prothèse sera réalisé au laboratoire de prothèse maxillo-faciale.
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Glande salivaire artificielle : C’est une chambre réservoir extracorporelle montée sur une pompe foulante adéquate et reliée à la cavité buccale par l’intermédiaire d’un cathéter implanté en sous-cutané sous anesthésie locale. Les inconvénients sont la nécessité d’un acte opératoire (sous anesthésie locale), l’éventualité de complications postopératoires immédiates ou à court terme, le risque de dysfonctionnement mécanique, la nécessité d’une surveillance médicale rapprochée et le coût du matériel. Dans les deux solutions proposées précédemment, la salive artificielle utilisée est un composé émollient contenant de la mucine porcine.
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Beurre, margarine, ou huile végétale : C’est une solution mise au point par un patient qui a bénéficié d’une radiothérapie et qui a souffert d’hyposialie. Sa solution consiste à positionner un petit morceau de beurre, de margarine ou un peu d’huile végétale en bouche 2 à 3 fois par jour et une fois au coucher. Cette méthode est conseillée aux patients qui ont essayé toutes les autres méthodes et qui se sont révélées infructueuses. On ne peut commencer ce traitement que 2 à 3 semaines après la radiothérapie. Il faudrait cependant encore étudier les effets des graisses sur la flore buccale.
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La Céviméline (Evoxac®) est un agoniste muscarinique plus récent qui s’est avéré efficace dans le traitement de la xérostomie chez les patients atteints du syndrome de Gougerot-Sjögren et qui a également donné de bons résultats chez les patients irradiés de la tête et du cou.
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Il a également été décrit des techniques d’électrostimulation qui ont donné des résultats chez certains patients.
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Les changements de comportement alimentaire avec compléments vitaminiques.
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Un humidificateur d’air dans la chambre du patient est également conseillé notamment la nuit.
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L'acupuncture : Une étude suédoise sur 21 patients souffrant de xérostomie sévère a donné de bons résultats quant à l’augmentation du flux salivaire.
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L'hypnose : Une étude clinique a été menée sur le traitement de la xérostomie par hypnose dans une population de 12 patients traités pour un cancer de la tête et du cou et présentant une xérostomie sévère. Une sialométrie préalable à la séance d’hypnose a été effectuée. Ils ont ensuite reçu une séance unique d’hypnose, avec des suggestions spécifiques pour augmenter leur salivation. La séance a été enregistrée sur CD, et les patients avaient pour instruction de l’écouter 2 fois par jour pendant 1 mois. Une sialométrie a été réalisée juste après la séance d’hypnose. Un questionnaire sur la xérostomie a été rempli par les patients, une, quatre puis douze semaines après hypnose. Une amélioration globale a été reportée par 8 patients sur 12 après 12 semaines (66%). La sialométrie a confirmé une augmentation du flux salivaire chez 9 patients après la séance d’hypnose (75%). Aucun effet indésirable n’a été signalé. Les données de cette étude suggèrent que l’hypnose apporterait une nette amélioration dans la diminution de la xérostomie chez les patients irradiés de la tête et du cou. Mais ces résultats doivent cependant être confirmés par d’autres études randomisées sur une plus large population.
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L'homéopathie : les substances les plus souvent prescrites sont :
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ALUMINA 5 CH
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RHUS TOXICODENDRON 5 CH
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ARSENICUM ALBUM 5 CH
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ACONIT 5 CH
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APIS 5 CH
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LYCOPODIUM 5 CH
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NATRUM MURIATICUM 5 CH
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NUX MOSCHATA 5 CH
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PULSATILLA 5 CH
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Auriculothérapie : c’est une technique mise au point par le Dr Noguier dans les années 50. Elle repose sur le principe que différents points du pavillon de l’oreille seraient reliés à des organes. Leur stimulation par des aiguilles (même méthode que l’acupuncture) permettrait de normaliser la fonction des organes. Cette thérapie fait partie des thérapies de réflexologie, mais aucune étude n’a, à ce jour, démontré une réelle efficacité dans le traitement de l’hyposialie, malgré l’expérience positive de nombreux patients.
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La xérostomie constitue un véritable handicap dans la vie quotidienne du malade qui éprouvera alors des difficultés à s’alimenter, parler, et même à dormir pour ceux qui n’ont pas une respiration nasale suffisante. D’où l’importance de ces moyens thérapeutiques bien qu’ils soient imparfaits.
D’autres moyens existent afin d’éviter la survenue de l’atteinte des glandes salivaires, ainsi l’administration d’Amifostine avant la radiothérapie aurait un effet cytoprotecteur envers les cellules glandulaires. Cependant cet effet est controversé et n’a donc qu’un grade de recommandation faible pour la haute autorité de santé. On peut également transférer chirurgicalement la glande sous mandibulaire dans l’espace sous mental hors du champ d’irradiation.
Comme expliqué ci-dessus, lors de la phase inflammatoire il sera possible de prescrire des anti-inflammatoires et des mesures afin de palier le déficit salivaire du point de vue dentaire seront à envisager : gouttières de fluoration, éducation à l’hygiène et contrôles fréquents afin d’éviter la survenue de caries.