
La chirurgie carcinologique
La chirurgie a longtemps été la seule thérapeutique face au cancer. De nos jours elle peut être utilisée seule ou en association avec d’autres traitements.
La chirurgie lorsqu’elle est réalisable, constitue une arme thérapeutique de choix. Elle sera indiquée pour des tumeurs bien circonscrites et techniquement accessibles. Elle consiste en l’éviction de la tumeur macroscopique visible et en cas d’atteinte ganglionnaire un curage ganglionnaire sera réalisé.
Principe
L’éviction de la tumeur primitive doit être complète et si possible, il faudra retirer quelques millimètres (dans l’idéal 1 cm) de tissus macroscopiquement sain autour de la lésion primitive. La pièce opératoire sera ensuite analysée au laboratoire d’anatomo-pathologie afin de déterminer si les marges sont saines, dans le cas contraire une ré-intervention ou une radiothérapie seront envisagées.
Il est fréquent d’avoir recours au curage ganglionnaire qui consiste en l’exérèse des tissus lymphatiques cervicaux. Le curage ganglionnaire sera réalisé en cas d’adénopathie métastatique palpable ou d’adénomégalie à centre nécrotique visible au scanner. L’intérêt est diagnostic et thérapeutique, en effet l’analyse de la pièce opératoire permet de voir s’il y a eu une extension de la pathologie. Plusieurs types de curages ganglionnaires sont réalisables :
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L’évidement radical, qui consiste à enlever les fascias supérieurs et profonds, le muscle sterno-cléïdo-mastoïdien, les veines jugulaires, la glande sous maxillaire et sous mandibulaire. Les séquelles seront alors très importantes.
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L’évidement radical modifié qui permet de conserver le muscle sterno-cléïdo-mastoïdien et une des deux veines jugulaires. Ce type de chirurgie permet des conséquences fonctionnelles moins importantes que dans le cas précédent.
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L’évidement sous-mento-sous-mandibulo-sus-omohyoïdien ou « triangulaire » qui sera réalisé dans le cas de tumeurs de la cavité buccale et de l’oropharynx permettra d’enlever la totalité des premiers relais ganglionnaires concernés.
Les ablations des tumeurs de la cavité buccale pourront selon leur localisation et leur extension prendre plusieurs formes :
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Glossectomie : ablation partielle ou totale de la langue
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Exérèse d’une tumeur du plancher buccal sans atteinte osseuse : pour les tumeurs de faible étendue la fermeture du site opératoire se fera par simple suture mais dans le cas de tumeurs de plus grande étendue une greffe sera envisagée et la mobilité linguale sera engagée.
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Pelvi-glossectomie : elle est indiquée pour les tumeurs du plancher buccal qui intéressent également la face ventrale voir dorsale de la langue. C’est une chirurgie qui n’atteint que les tissus mous, il n’y a pas de résection osseuse.
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Hémimandibulectomie et mandibulectomie : Dans le cas de certaines tumeurs évoluées atteignant la mandibule, une ablation de la moitié ou de la totalité de celle-ci sera indiquée.
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Maxillaire : face à une tumeur située au niveau des sinus maxillaire ou au niveau palatin la chirurgie d’exérèse mettra souvent en contact la cavité buccale avec le rhinopharynx voir le plancher de l’orbite en créant une brèche au niveau palatin qui peut cependant être comblée grâce à des prothèses obturatrices. La maxillectomie pourra être partielle ou totale et intéresser la crête alvéolaire ou non.
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(Pelvi)mandibulectomie non interruptrice : la mandibule est atteinte par la tumeur mais une partie de l’os basilaire est sain, la partie atteinte de la mandibule (et du plancher buccal) sera enlevée et la continuité de l’os sera préservée.
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(Pelvi)mandibulectomie interruptrice : ici même l’os basilaire est atteint, une section de la mandibule (et du plancher buccal) sera enlevée laissant deux fragments qui ne rejoignent pas. Ce type d’intervention parfois nécessaire complique grandement la reconstruction et provoque un grand préjudice esthétique et fonctionnel notamment au niveau de l’élocution et de la mastication. En effet le menton déviera du côté touché par la chirurgie, si le plancher est atteint il y aura glossopexie et une constriction des mâchoires.
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Buccopharyngectomie transmaxillaire (BPTM) : souvent face à une tumeur de la branche montante de la mandibule, de la zone rétro molaire où de la commissure intermaxillaire, elle pourra être interruptrice (de la continuité mandibulaire) ou non interruptrice.
Conséquences oro-faciales
Les complications à long termes liées à la chirurgie carcinologique affectant la cavité buccale sont nombreuses, nous pouvons compter parmi celles-ci :
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Limitations fonctionnelles : difficultés d’élocution, de mastication et de déglutition. Ces limitations se retrouvent beaucoup lorsque la langue et touchée par la chirurgie et d’autant plus lorsque la glossectomie est associée à une chirurgie du plancher buccal ou de la mandibule. Les pertes de substance maxillaires entraînent également des problèmes de déglutition et de phonation du fait des communications bucco-nasale, bucco-sinusienne ou bucco-sinuso-nasale. Les pertes de substances interruptrices au niveau mandibulaire provoquent également des problèmes fonctionnels tels que la latérodéviation, des troubles de l’articulé dentaire, une bascule postérieure de la langue si la symphyse est atteinte (difficultés respiratoire). Cela atteint la phonation, la déglutition, la mastication et provoque une incontinence salivaire.
De manière générale, la perte des contacts dento-dentaires entraine également des difficultés de mastication qui entraînent à leur tour des difficultés de déglutition et par conséquent des difficultés digestives.
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Limitation de l’ouverture buccale
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Atteintes nerveuses : lorsque l’atteinte tumorale se situe près des nerfs, l’exérèse de la tumeur va endommager ces nerfs et entraîner une paralysie ou anesthésie sur le territoire qu’ils innervent.
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Fistules chroniques : les fistules associées à la chirurgie sont un risque qui dépend :
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De l’état général du patient
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De son état nutritionnel
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Du type et du stade de la tumeur
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Du tracé d’incision
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D’une radiothérapie associée
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Les fistules apparaissent généralement trois à quatre semaines après la chirurgie et plus rarement dans un délai aussi court qu’une semaine. Les fistules sont dites chroniques si elles persistent plus d’un mois. Elles sont associées à une fièvre légère, une induration de la peau au niveau de la zone de drainage. Le traitement consistera en une excision chirurgicale et une fermeture de la zone de drainage.
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Modification des tissus mous et cicatrices desquelles résulte une modification de l’esthétique du visage ayant de fortes répercussions psychologiques.
Tout cela altère considérablement la qualité de vie du patient, autant au niveau fonctionnel, qu’au niveau esthétique et psychologique.