
Mucite
![]() Mucite inhiniteur mTOR | ![]() Mucite radiothérapie |
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![]() Mucite chimiothérapie | ![]() Mucite grade 4 |
Vigarios©
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Conditions d’apparition
Elle débute en général quelques jours après le début de la cure de chimiothérapie et est concomitante avec l’apparition de la neutropénie. Certaines molécules telle que le méthotrexate, l’actinomycine D, 5-fluorouracil, le mephalan et la daunomycine sont plus susceptibles d’engendrer une mucite.
Plus la durée d’administration de ces drogues est longue plus l’incidence des mucites augmente.
Les molécules faisant partie des thérapies ciblées sont également susceptibles d’engendrer des mucites, par exemple les anti-EGFR. Ces mucites seront moins sévères que dans le cadre de traitement par chimiothérapie conventionnelle. Elles concerneront principalement les muqueuses non kératinisées (faces ventrale et latérale de la langue, plancher buccal, palais mou, muqueuse jugale) et pourront aller de l’érythème à l’ulcération symptomatique plus ou moins bien délimitée.
Les inhibiteurs m-TOR sont également responsables de lésions aphtoïdes multiples et douloureuses dans 40% des cas et qui seront traitées de la même façon que les mucites.
Si la mucite est radio-induite, elle apparaît entre la première et la troisième semaine d’irradiation, elle est inévitable mais généralement transitoire pour des doses supérieures à 30 Gy. Elle sera localisée sur la zone touchée par les rayons.
Après son apparition la mucite radio-induite tend à s’aggraver les premiers jours puis elle reste à peu près stable jusqu’à la fin du traitement. Ceci étant dû à un équilibre qui s’instaure entre les destructions cellulaires dues à la radiothérapie et au renouvellement de la muqueuse et c’est de cette capacité de renouvellement, propre à chaque individu, que dépend la sévérité de la mucite. La mucite radio-induite disparaît le plus souvent dans les 2 à 3 semaines qui suivent la fin de l’irradiation. A 4 semaines 90 à 95% des patients ne présentent plus aucun signe de mucite radio-induite.
Les mucites radio et chimio induites et induite par les thérapies ciblées ont une présentation clinique différente. En effet la mucite chimio-induite peut toucher les zones de muqueuses kératinisées ce qui n’est pas le cas des mucites radio-induites et induites par des thérapies ciblées. La mucite induite par les thérapies ciblées aura une présentation aphtoïde alors que la mucite radio induite se localisera sur la zone irradiée sans toucher le reste de la muqueuse.
Présentation clinique et physiopathologie
La mucite se défini comme une inflammation de la muqueuse qui recouvre l’intérieur des cavités et des viscères .Ces lésions peuvent aller jusqu’à la nécrose.
La physiopathologie de la mucite est la suivante :
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Phase 1 : elle correspond aux lésions directes induites par la radio/chimiothérapie au niveau cellulaire. Des radicaux libres sont générés et jouent un rôle de médiateurs biologiques des phases ultérieures.
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Phase 2 : c’est la réponse primaire à l’altération des cellules et de l’ADN qui se traduit par la production de cytokines pro-inflammatoires. Ces composés stimulent plusieurs voies menant à des lésions ou à la mort des cellules basales par apoptose.
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Phase 3 : Amplification du signal, la libération de cytokine produit un feed-back positif qui amplifie des lésions causées directement par les rayonnements ou la chimiothérapie.
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Phase 4 : ulcération, qui est caractérisée par l’apparition de lésions douloureuses.
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Phase 5 : cicatrisation : la mucite est généralement un phénomène aigu disparaissant progressivement après l’arrêt du traitement anti-cancéreux.
La mucite débute donc par un érythème qui correspond à un amincissement de l’épithélium et à une dilatation vasculaire. Elle entraîne ensuite une altération de l’épithélium de la muqueuse buccale et du tissu conjonctif sous-jacent, se traduisant par l’apparition d’un leucoedème puis d’une ulcération. La phase de cicatrisation est caractérisée par l’apparition d’une pseudomembrane.
La régénération des cellules entraîne une ré épithélialisation et la résolution de l’ulcère mais le processus de cicatrisation est d’autant plus long et difficile qu’il existe une surinfection et que l’ulcère est large et profond. Lorsque l’ulcère est très profond, la cicatrisation peut se faire en un tissu de granulation et parfois la cicatrisation ne se fait pas, ce qui peut entraîner une nécrose muqueuse.
Elle est douloureuse, les patients décrivent une sensation brûlure et de picotement, et entraine une dysphagie, une impression de gorge sèche et une perte progressive du goût. La douleur peut être telle qu’elle limite l’hygiène buccale et l’alimentation. Elle peut être plutôt localisée ou toucher toute la muqueuse buccale et peut même s’étendre aux lèvres, à la langue et à l’œsophage. Elle est cependant plus présente au niveau des zones de frottement (joues, gencive vestibulaire…) et le port de prothèses dentaires est un facteur aggravant de la mucite.
L'OMS propose une classification afin de grader l'atteinte de la mucite:
Conduite à tenir pour le chirurgien-dentiste
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Eduquer le patient à la notion de «basic oral care », c’est-à-dire une hygiène buccale minimale à maintenir en se brossant les dents 3 fois par jour et en utilisant également des moyens de nettoyage inter-dentaire (bossettes ou fil) et plusieurs bains de bouche par jour.
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L’utilisation de bains de bouche non alcoolisés sera préconisée en cas de mucite, en prévention de l’infection bactérienne. La glyco-thymoline 55 en raison de son pH basique et de sa composition faiblement alcoolisée pourra être utilisée en application locale sur les zones affectées à l’aide de compresses ou en bains de bouche. Le chirurgien-dentiste pourra aussi prescrire des traitements afin de prévenir le risque de surinfection par les Candida grâce à des bains de bouches alcalins au bicarbonate de soude (14g/L de HCO3-Na+ ).
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De nouvelles molécules à l’étude pour le traitement des mucites de haut grade : facteurs de croissance, cytokines, palifermin (facteur de croissance des kératinocytes), le L-glutamine (acide aminé), des molécules anti-inflammatoires, Zinc et la leptine (hormone).
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L’application de glace toutes les 30 minutes peut également soulager.
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Thérapie laser de basse énergie (4J /cm₂) hélium/néon ou système de diodes dans les mucites de haut grade, 3 à 5 fois par semaine. La longueur d’onde du laser recommandée est de 445 nanomètres, le faisceau appliqué sera de faible puissance ce qui permettra d’avoir l’effet biostimulant du laser sans avoir l’effet de coupe obtenu avec des puissances plus importantes.
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l’injection intraveineuse d’acide folique ou son application topique (1.5mg dans 15 ml d’eau) 3 fois par jour.
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Application de Jelonet (gaze paraffinée) sur les zones ulcérées
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Dermo-corticoïdes topiques (clobétasol), corticothérapie orale (en bain de bouche)
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La douleur pourra être prise en charge :
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localement : par l’application de topiques anesthésiants (chlorhydrate de lidocaïne 0.5%), cependant cela entraine un risque de fausses routes et à défaut nous pourrons prescrire des gels de polysilane et du sucralfate.
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Par voie générale : Les mucites de grade 1 et 2 répondent en général correctement aux antalgiques de palier 2 (opioïdes faibles : paracétamol codéiné 2 comprimés 3 fois par jour ou tramadol per os ou sous forme intraveineuse, 50 à 100 mg toutes les 6 h. A partir du grade 3, les dérivés morphiniques sont le traitement de choix (antalgique pallier 3), de la morphine à action rapide par voie orale sera prescrite (Actiskénan, Sévrédol) ou de la buprénorphine par voie sublinguale (Temgésic).
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Le benzydamine pourra également être prescrit, c’est un topique local qui a des propriétés anti-inflammatoire (AINS), antalgique, anesthésique et antimicrobienne. Il permet de diminuer la fréquence et la sévérité des lésions ulcérées et la douleur. La benzydamine est recommandée par le panel d’experts ISOO/MASCC chez les patients traités par radiothérapie à 50-55 Gy, dans le cadre du traitement d’une tumeur des VADS.
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Les mucites peuvent aggraver la dénutrition inhérente aux thérapeutiques anti-cancéreuses, ainsi le patient devra avoir une alimentation lipido-protéique semi-liquide, molle ou liquide et équilibrée en vitamines et minéraux. Dans les cas plus grave où la chute pondérale est importante un suivi hebdomadaire avec un diététicien sera nécessaire, le choix d’une alimentation mixée ou même entérale (sonde nasogastrique ou gastrostomie) dans les cas graves pourra être indiquée.
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Enfin le dentiste pourra mettre en place avec le patient des règles hygiéno-diététiques afin de limiter la symptomatologie des mucites : arrêt du tabac, de l’alcool et éviter les aliments irritants (épices, aliments acides…).
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De même le port de prothèses amovibles est fortement déconseillé durant la phase aigüe de la mucite, ensuite elles devront être d’une hygiène irréprochable (désinfection quotidienne avec une solution antimicrobienne) afin d’éviter tout risque de surinfection.
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Pour maintenir une hygiène bucco-dentaire sans aggraver les douleurs, une brosse à dent extra-souple en nylon (post-chirurgicale) et l’utilisation de brossettes, fil de soie, ou jet à faible puissance seront conseillés, sauf en cas de gencive hémorragique où les moyens de nettoyage inter-dentaire seront remplacés par des bâtonnets pédiatriques en mousse imbibés d’eau oxygénée.

Grade 0 : Muqueuse intacte Alimentation solide possible Pas de douleur
Grade 1 : Erythème (gène) Alimentation solide possible Douleur modérée énanthème
Grade 2 : Ulcération, Douleur, Alimentation solide impossible : alimentation solide modifiée, énanthème et ulcérations localisées ou pseudo-membranes
Grade 3 : Dysphagie (solides) Alimentation solide adéquate impossible, l’alimentation sera uniquement liquide, Douleur, énanthème diffus, ulcérations ou pseudo-membranes confluentes
Grade 4 : Mastication impossible, Aphagie, douleur, pronostic vital en jeu, énanthème diffus, nécroses tissulaires
Grade 5 : Décès